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|22 août 2022

Lancement de la campagne de suivi satellitaire des baleines à bosse MIROMEN II

Du 22 août au 12 septembre 2022, Globice Réunion, en partenariat avec l’Office Français de la Biodiversité (OFB) et la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), déploiera la seconde phase du programme scientifique MIROMEN II (Migration Routes of Megaptera novaeangliae) dont l’objectif est le suivi satellitaire des baleines à bosse de La Réunion.

Cette opération, financée par l’Europe, la Région Réunion et la DEAL Réunion dans le cadre du programme opérationnel FEDER 2014-2020, fait partie intégrante du programme d'action du Pôle Mer de La Réunion visant l'amélioration des connaissances du milieu marin.

MIROMEN II s’inscrit dans la continuité et en complémentarité du projet MIROMEN I mis en œuvre par Globice et l’OFB en août 2013. Ce premier programme de suivi satellitaire avait permis des découvertes majeures grâce au suivi des individus équipés, et notamment l’identification d’un haut niveau de connexion entre La Réunion et Madagascar mettant en exergue l’important rôle connexe que jouent ces deux îles au niveau du cycle biologique des animaux. MIROMEN I avait également révélé la découverte de nouveaux sites de reproduction et de l’utilisation des monts sous-marins par les baleines à bosse.

 

Identifier les trajets retours des baleines à bosse vers les sites de nourrissage en Antarctique


MIROMEN II vise à équiper quinze baleines à bosse de balises Argos afin d’identifier leurs trajets retours entre les sites de reproduction de l’océan Indien et les sites de nourrissage en Antarctique.

Une première phase de l’opération a déjà eu lieu en 2019 avec le marquage d’une baleine à bosse (baptisée Ousanousava) dont la trajectoire a pu être suivie depuis la pose de la balise le 3 septembre 2019 au large de Saint-Gilles jusqu’au 8 janvier 2021 à 500 km de l’Antarctique.

La crise sanitaire des années 2020 et 2021 et le faible nombre d’individus dans les eaux réunionnaises ces deux dernières saisons n’avaient pas permis de poser les 14 autres balises prévues dans le cadre de l’opération.

L’enjeu du programme MIROMEN II est d’obtenir une vision globale des mouvements des baleines à bosse sur l’ensemble de leur cycle migratoire, enjeu primordial pour protéger l’espèce et mieux comprendre les facteurs pouvant expliquer les variations inter-annuelles de fréquentation des baleines à La Réunion.

Les informations essentielles sur les baleines à bosse à La Réunion

Lors de MIROMEN I les balises avaient été déployées en milieu de saison, et le temps d’accroche n’avait pas été suffisamment long pour pouvoir tracer ces trajets retours. Les nouvelles utilisées lors de MIROMEN II ont été améliorées et seront déployées en fin de saison afin, nous l’espérons, de pouvoir percer le mystère des migrations vers le grand Sud et identifier les zones de nourrissages. 

A l’instar de MIROMEN I, la pose des balises sur MIROMEN II s'accompagnera de prélèvements cutanés afin de déterminer le sexe de l’animal et procéder à son identification génétique en parallèle aux données spatiales. Une identification photographique de chaque baleine suivie sera également réalisée.

Une opération de haute technicité


La seconde phase du programme MIROMEN II vise donc le déploiement de balises Argos sur quatorze individus adultes, afin de suivre leurs différents mouvements migratoires par transmission satellite.

La pose des balises est un procédé très technique qui requiert l’intervention de spécialistes expérimentés. C'est pourquoi Mme Amy Kennedy, biologiste américaine du National Marine Mammals Laboratory de la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration) et experte en pose de balises satellites sur les baleines à bosse, fera partie de l'équipe de terrain. Elle aura la charge d'implanter les balises Argos sur les individus au moyen d'un équipement de type lance-amarre spécialement conçu par la NOAA à cette fin. Les opérations se feront à bord du bateau Electra, de l’Office Français de la Biodiversité avec l’équipe de l’OFB.

Les protocoles comme le matériel qui seront utilisés ont été éprouvés par de nombreux programmes similaires à l’échelle de la planète. Des suivis des individus équipés sont réalisés par la NOAA pour améliorer en continu le matériel et réduire autant que possible l’impact sur les animaux. D’après les
résultats collectés jusqu’à présent, si l’ancrage des balises reste invasif, son impact sur les baleines à bosse est assez faible et n’implique pas d’effet à long terme sur les individus (reproduction, survie, etc…).(1)

Le système d’attache pénètre dans le lard épais de l’animal, juste en dessous de la nageoire dorsale, puis la balise émet ensuite sa position à chaque remontée en surface de la baleine. Au bout de quelques semaines ou mois, la baleine finit par “rejeter" l’équipement (à la manière dont nous pouvons rejeter des corps étrangers, comme des échardes). Il arrive parfois que les balises se détachent prématurément lors d’interactions entre les animaux, par exemple au cours de scènes d’accouplement ou de compétition, lorsque les baleines se frottent l'une contre l'autre.

La baleine à bosse étant une espèce protégée, la mise en œuvre de MIROMEN II fait l’objet d’une dérogation du Ministère de la transition écologique et d’une autorisation du Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation basée sur l’évaluation favorable de l’opération par le comité d’éthique animale. 

 

Des partenaires de premier plan


MIROMEN II est un programme scientifique conçu, porté et coordonné par Globice Réunion qui s’appuie également sur les ressources de partenaires internationaux et locaux clés dans ce type de projet :

  • L'agence américaine National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), qui apporte son
    expertise pour le choix et la programmation des balises, fournit le matériel adapté à la pose de cesdernières et apporte son expertise sur le terrain pour le déploiement;
  • L’Office Français de la Biodiversité, garante du respect des protocoles validés par le Ministère, et qui apporte un soutien technique et logistique à la mission, en mettant à disposition un moyen à la mer et des agents de terrain.

 

Mieux connaître le cycle biologique de l'espèce pour mieux la protéger


Tout comme le programme MIROMEN I, MIROMEN II s’intègre dans une dynamique régionale de suivi satellitaire des mouvements migratoires des baleines à bosse de l’Océan Indien occidental. Les opérations de déploiement de balises Argos (Madagascar en 2012-2014 par la WCS et le CNPS ; Mayotte et Comores en 2011-2013 par Megaptera ; La Réunion en 2013 par Globice ; Kenya par la WCS en 2019) font l’objet de travaux de recherches partagés, coordonnés dans le cadre du Consortium IndoCet actuellement animé par Globice. Ces opérations ont nourri le rapport Protecting Blue Corridors , publié le 17 février 2022 par le WWF qui, pour la première fois, permet de visualiser les traces satellites de 845 baleines migratrices dans le monde.

Les retombées de MIROMEN II sont potentiellement nombreuses et synergiques avec les programmes scientifiques conduits par Globice pour approfondir la connaissance et la préservation des baleines à bosse: apport de données sur le cycle biologique de l’espèce ; alimentation des réflexions générales menées par la commission baleinière internationale (CBI) sur la gestion du Sanctuaire de l’océan Indien ; identification des zones de nourrissage dans l’Antarctique ; mise en lumière des secteurs qu’il est essentiel de préserver dans l’intérêt de l’espèce, à l’échelle locale et régionale ; comparaison régionale des données similaires obtenues dans les pays voisins, etc.

Les résultats seront valorisés par des publications scientifiques et la proposition de documents de travail aux conférences internationales pertinentes. Au-delà de ces objectifs de valorisation scientifique, les résultats serviront à la sensibilisation de la population réunionnaise et seront largement valorisés sur l’île par l’organisation de conférences et d’interventions scolaires.

 

Suivre la migration des baleines depuis le site de reproduction de La Réunion


A compter du marquage du premier individu, le grand public pourra à suivre en temps réel le trajet migratoire des baleines à bosse sur le site de Globice Réunion.

 

(1) Impacts de la pose de balises sur les cétacés


La pose de balises, largement utilisée par la communauté scientifique, est jugée invasive du fait de l’implantation d’un élément étranger dans le corps de l’animal.  Cependant, le degré de sévérité est considéré comme minimal (Mate et al., 2007). Un certain nombre de balises ont été posées dans le monde entier sur les cétacés, avec des systèmes d’attache divers, allant du harnais à l’implantation intra-musculaire, en passant par des dispositifs de fixation par ventouse externe. Néanmoins, l’implantation de balises Argos correspond à la seule technique permettant le suivi télémétrique des baleines à bosse à moyen et long terme (Mate et al., 1997, 2007), les balises entièrement externes étant soumises à des forces de frottement importantes, responsables de leur détachement précoce. De même, les biopsies cutanées sont réalisées sur de nombreuses espèces de cétacés, des plus petits delphinidés aux plus grands mysticètes. De nombreuses publications scientifiques sont disponibles sur l’impact de la pratique des biopsies sur les individus et les populations. Sur les grands cétacés, il a été montré que la pratique de biopsies n’a pas de conséquences importantes (Gauthier & Sears, 1999; Williamson et al., 2016). De plus, bien qu’il y ait généralement une réaction de surprise lors de l’impact (spasme du corps, accélération de la nage), les animaux reviennent rapidement à leur activité initiale (Gauthier & Sears, 1999; Mate et al., 2007; Williamson et al., 2016). Le suivi des inidivuds équipés de balise montre qu'il n'y a pas d'impact à long terme, sur les individus (taux de reproduction et survie – Calambodikis et al., 2015)