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|12 janvier 2022

Un éléphant de mer à La Réunion : chronologie d’une histoire qui finit mal

Depuis le 26 décembre dernier, date de son signalement à La Grande Chaloupe, l'éléphant de mer baptisé Noëlle défraie la chronique locale. Il n'est effectivement pas commun de constater la présence de cette espèce de pinnipèdes à nos latitudes. Nous retraçons ici le périple de cet animal à La Réunion en suivant ses péripéties depuis la fin d'année dernière jusqu'à la triste issue du 12 janvier où il a été retrouvé mort à Boucan.

26 décembre 2021 : opération sauvetage

Alerté vers 7h par les pompiers, l'équipe de Globice se rend sur le site de la Grande Chaloupe où un phoque en difficulté a été signalé. Scientifique et vétérinaire sont sur place pour évaluer l'état de santé de l'animal et envisager les mesures adéquates à prendre. L'animal se trouve être un éléphant de mer (a priori une femelle) d'âge indéterminé d'environ 2 mètres. Il est coincé entre deux rochers mais ne montre pas de lésions extérieures graves apparentes. Après avoir été réhumidifié, l'animal manifeste un regain de vigueur qui permet d'envisager un potentiel renflouement en mer. Grâce à l'intervention des pompiers et la mise à disposition d'un engin de levage, l'éléphant de mer regagne l'océan vers 11h35. 
 

Sauvetage de l'éléphant de mer coincé à La Grande Chaloupe

Publiée par Zinfos974 sur Samedi 25 décembre 2021

30 décembre 2021 : réapparition de l'éléphant de mer

Après plusieurs jours sans observation, l'éléphante de mer réapparait. Observé vers 8h30 au niveau du Port, il alterne des séquences de repos sur la plage et de la nage à quelques mètres du rivage. Il est commun chez ces animaux de s'échouer sur les rivages pour se reposer ou effectuer leur mue. Cette phase durant laquelle ils perdent leur ancien pelage au profit d'un nouveau peut durer jusqu'à 3 semaines, période durant laquelle ils ne s'alimentent pas. L'éléphant de mer passe ainsi une bonne partie de sa journée sur la cale de halage du petit port de La Possession.

31 décembre 2021 – 4 janvier 2022 : l'animal élit domicile dans le port

L'éléphant de mer a élu domicile dans le port et fait des apparitions sporadiques dans différentes darses. Globice mobilise son réseau de bénévoles qui se relaient du lever du jour au coucher du soleil pour surveiller l'animal et veiller à éviter les perturbations qui pourraient le stresser ou compromettre sa santé. Les navigateurs sont alertés sur les risques de collisions et les pêcheurs sollicités pour suivre les mouvements du mammifère marin. Le travail quotidien des bénévoles de Globice permet de garantir la plus grande quiétude possible et de veiller à ce qu'aucune difficulté ne survienne.

4 janvier 2022 – 8 janvier : séjour près de l'embouchure de l'Etang Saint-Paul

L'éléphant de mer poursuit son périple sur la côte, à la recherche d'une localisation favorable au repos, qu'il trouve à proximité de l'embouchure de l'Etang Saint-Paul. L'endroit est calme et fréquenté par quelques pêcheurs. Les bénévoles de Globice se relaient également chaque jour sur ce site pour éviter les interactions et préserver la tranquillité de l'éléphant de mer qui alterne là aussi repos sur la plage de galets et retour à l'eau.

9 janvier 2022 : l'animal est retrouvé à Grand fond, un hameçon dans la gueule

L'émotion est grande sur la plage de Grand Fond où l'éléphant de mer est retrouvé par des promeneurs, un hameçon apparent dans sa gueule. Vanessa Estrade, vétérinaire chez Globice et coordinatrice du réseau Echouage se rend sur place pour évaluer la situation. Epaulée par deux confrères (Francis Schneider, vétérinaire de Kélonia et Thibault Losfeld), ces spécialistes décident de procéder à une anesthésie de l'animal pour lui retirer cet engin de pêche indésirable. Délicate, l'opération est effectuée directement sur la plage, sous le regard de nombreux promeneurs que les bénévoles de Globice présents également sur site maintiennent à distance afin de faciliter le déroulé de l'intervention. L'hameçon est retiré en fin de matinée et l'éléphant de mer sort progressivement de sa sédation, sous la surveillance des équipes de pompiers du SDIS974 venu en renfort pour sécuriser les lieux. Malgré les apparences, et autant que l'examen clinique permette d'en juger, l'état de santé de l'animal ne prête pas à une inquiétude particulière de la part des professionnels. Après une après-midi où un public nombreux et respectueux aura pu observer cet animal rarement vu ici, celui-ci profitera de la nuit pour retourner dans l'océan à la faveur de la marée.
 
Secouristes, vétérinaires et bénévoles au chevet de l'éléphante de mer qui s'est une nouvelle fois échouée dans l'Ouest. Blessée par des hameçons, elle est sauvée.

Secouristes, vétérinaires et bénévoles au chevet de l'éléphante de mer qui s'est une nouvelle fois échouée dans l'Ouest. Blessée par des hameçons, elle est sauvée.

Publiée par Réunion la 1ère sur Dimanche 9 janvier 2022

10 et 11 janvier 2022 : l'animal s'échoue près de l'embarcadère de Saint-Paul

Noëlle l'éléphant de mer réapparait au matin du 10 janvier sur la plage de Saint-Paul, à proximité immédiate du débarcadère. Les bénévoles de Globice isolent l'animal grâce à un cordon de sécurité et assurent l'information du public venu nombreux pour l'observer. L'éléphant de mer passe un temps important sur le littoral, dormant la plupart du temps, avec quelques incursions dans l'océan. Il demeurera à peu près au même endroit durant 48 heures, surveillé constamment par les bénévoles malgré une météo difficile.
 
A peine remise à l’eau, l’éléphante de mer vient se reposer sur le sable de Saint-Paul

A peine remise à l’eau, l’éléphante de mer vient se reposer sur le sable de Saint-Paul

Publiée par Réunion la 1ère sur Lundi 10 janvier 2022

12 janvier 2022 : Noëlle est retrouvée morte à Boucan-Canot

Les maîtres nageurs sauveteurs constatent ce matin vers 9h30 la mort par noyade de l’éléphant de mer « Noëlle », enchevêtré dans les filets de protection de la baignade à Boucan-Canot. Malgré tous les moyens déployés depuis le 26 décembre pour assurer une surveillance et une protection de cet animal, et notamment la mobilisation exceptionnelle des bénévoles de Globice durant une dizaine de jours, celui-ci n’aura pas survécu à sa présence dans un milieu fortement anthropisé.
L’examen clinique externe de ce mammifère marin n’a pas permis de conclure à une maladie particulière durant son séjour à La Réunion. Une nécropsie va maintenant avoir lieu pour permettre de préciser ce diagnostic et identifier si l’animal était affaibli par une quelconque pathologie.
Le transfert vers un site de soin isolé aurait constitué des risques importants lors des manipulations et du transfert. Il aurait de surcroît nécessité deux anesthésies (en plus de celle réalisée pour l’extraction de l’hameçon) potentiellement dangereuses pour l’animal. La mise en bassin aurait également été inadaptée à ses besoins et n’aurait pu garantir un meilleur recouvrement. Ses plus grandes chances de regagner son habitat restaient en milieu sauvage d’où les efforts collectifs pour le maintenir aussi tranquille que possible en dehors de toute installation.
Nous formulons nos plus sincères remerciements aux équipes municipales, aux services de police et de gendarmerie de Saint-Paul et de La Possession, aux pompiers du SDIS974, ainsi qu'aux riverains qui se sont mobilisés sans compter pour tenter de préserver ce animal.
Cette fin tragique illustre la difficulté pour les animaux de survivre sur un littoral fortement artificialisé où leurs besoins essentiels de repos, de déplacement et de nourrissage peuvent difficilement être assouvis. Puisse ce « conte de Noëlle » qui finit mal nous permettre de nous responsabiliser collectivement sur l’empreinte de nos activités humaines dont l’essor laisse peu de chances aux autres espèces de vivre leur vie, tout simplement, menaçant à terme la bonne santé des écosystèmes dont nous dépendons également de façon vitale.
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Ce que révèle la nécropsie de l’animal

Une nécropsie de l’éléphant de mer a pu être faite par la vétérinaire de Globice six heures après son décès. Cet examen post mortem a notamment pour objectif d’établir l’état général de l’animal et de préciser les causes ayant pu conduire à sa mort.

L’animal d’une taille de 220 cm pour un poids estimé à 180-200 kg était une femelle âgée entre 2 et 3 ans d’après les abaques taille/âge spécifique à cette espèce (McLaren, 1993). Comme supposé initialement, cet éléphant de mer était visiblement en mue du fait de l’état de son pelage. Les éléphants de mer austraux migrent en effet du continent péninsule antarctique vers des îles subantarctiques (Amsterdam, Crozet, Kerguelen…) pour se reproduire ou effectuer leurs mues annuelles (Bester, 1988 ; Heimark et Heimark, 1986 ; Murray, 1981). Au cours de cette mue, les animaux sont souvent observés à terre et ne se nourrissent pas. De ce fait, et sachant que la mue demande un important coût métabolique, les femelles en mue peuvent perdre 25% de leur masse corporelle (Worthy et al, 1992 ; Champagne et al, 2012). La mue dure généralement 1 mois chez les femelles. Les éléphants de mer femelles austraux de cette taille hors mue pèsent en moyenne entre 250 et 320 kg (LeBoeuf et al,1994) . En l’occurence, il est probable que “Noëlle" se soit peu ou pas nourrie depuis son arrivée dans les eaux réunionnaises voire depuis son départ des îles subantarctiques. Son amaigrissement de l’animal était donc physiologique.

L’autopsie de l’animal n’a montré aucune lésion pathologique macroscopique. Les seuls éléments qui ressortent de l’autopsie sont :
1) la présence d’un important spume trachéal, témoin d’une présence accrue de liquide dans la trachée,
2) un œdème pulmonaire.
Le spume trachéal associé à l’œdème pulmonaire confirment la mort par noyade supposée lors de l’anamnèse. L’animal aurait succombé à un arrêt cardiorespiratoire consécutif à l’hypoxie.
La cause la plus probable de la mort de cet animal sain serait donc la noyade.

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